DERNIERES LETTRES DES FUSILLES
Dernière lettre de Emile Thonnon
Liège-Citadelle, le 29 novembre 1943
Mon cher Papa, chère Maman, ma petite sœur, et mon grand frère.
Quand vous recevrez cette lettre, je serai déjà peut-être au ciel, je vous envoie mes dernières pensées, avec le grand regret de n'avoir pas pu faire plus pour vous aider dans la vie.
Je commence donc à vous transmettre mes dernières pensées.
Pour toi papa—Tu as été un brave homme et je le demanderai d'être très courageux quand on t'apprendra la malheureuse nouvelle, et surtout de beaucoup prier pour moi et pour maman aussi.
Mon plus cher désir c'est que tu ailles à la messe tous les dimanches et à la communion au moins une fois par mois, car papa il n'y a que cela qui compte, et puis je voudrais bien te revoir au Ciel, prés du Bon Dieu, quand ton heure ira venue.
Pour toi Maman : — Qui est très. courageuse et très chrétienne, accepte de bon cœur la grande croix que le bon Dieu t'envoie.
Tu avais toujours désiré donner un de tes enfants au Bon Dieu, et bien il t'en prend un qui croyait faire ce qui lui plaisait remercie le, maman, car il ira tout droit près de Lui et de là veillera sur vous tous.
Je n'ai pas besoin de te demander des prières, je sais que tu as prié depuis le jour où je ne suis pas rentrée, et chaque soir à 9 heures, de là au-dessus, je prierai avec toi.
Maintenant un petit peu pour Julienne, Chère petite sœur je compte aussi sur toi pour être très courageuse et aider beaucoup ta maman dans tout.
Tu as pris le bon chemin garde le toujours et ne t'en écarte jamais, et surtout prends bien soin de ta vie pour ceux que tu aimes.
Dans ta prochaine lettre transmets mon dernier souvenir à Georges qui est là en stalag et que je suis mort en Belge.
Pour mon frère Gaston, Je lui demande d'être très bon pour son papa et surtout pour ses scouts.
Qu'il ne fasse pas. je lui demande bien fort, la chaude tète quand il apprendra ceci et surtout qu'il aille plus souvent communier et pas tant au cinéma.
Je demanderai à tous d'être très bons pour ma petite Irma, de ne pas lui en vouloir pour rien de ce qu'elle fera a l'avenir. car elle m'a beaucoup aimé.
Dans mes objets personnels qu'on vous renverra vous aurez certainement mon chapelet, que ce soit papa ou maman qui le garde.
II y a aussi un porte monnaie neuf, donnez le à Irma en souvenir de moi.
Mon vélo sera pour mon petit frère Gaston, qu'il s'en serve bien.
A maman et autres, je demande de pardonner les offenses, tu comprends, maman, ce que père Clément te disait.
Pour moi. je pardonne à tous et je demande pardon a ceux que j'ai offensés.
Je remercie Dieu. Je vous dis adieu à tous et au revoir au ciel.
Emile
Dernière lettre de Cyrille Jacquemin
Il s'agira de montrer beaucoup de courage car moi-même en ce moment il m'en faut une bonne dose, demain au lever du jour j'irai avec six compagnons rejoindre la place que le Bon Dieu dans sa miséricorde à bien voulu mettre ma disposition.
Il est inutile de se lamenter, car j'ai mis toute ma confiance dans le Sacré-cœur de Jésus, il a décidé que mon heure était venue que Sa Sainte Volonté soit faite.
Pour la dernière nuit, on nous a permis de faire un souper extraordinaire, il est actuellement 21 heures, il nous reste quelques minutes à vivre et je vous assure, Maman et Papa que mon moral est bon, je suis persuadé qu'une autre vie va commencer pour moi, soyez tranquilles mes Parents chéris, nous sommes assisté d'un aumônier militaire qui va nous dire la Sainte Messe, nous confesser, nous distribuer la Sainte Communion donc en un mot nous conduira certainement sur le chemin du Paradis.
Je voudrais aussi que mon cher Papa, revienne au Bon Dieu, c'est la seule chose que je demande avant de mourir.
Du haut du Ciel je veillerai sur vous demanderai au Bon Dieu que vous puissiez mourir saintement également, de cette façon, nous nous retrouverons ensemble dans le monde du Seigneur.
Depuis que je suis arrêté, j'ai prié beaucoup la Sainte Vierge et les Saints pour que le Bon Dieu m'accorde une petite place dans son Royaume et qu'il vous donne la force de supporter avec résignation l'épreuve qu'il a daigné vous envoyer.
J'ai passé aussi une vie jusqu'à présent pas du tout en rapport avec les Commandements de Dieu aussi petite Maman chérie, petit Papa bien-aimé et petit frère, que ceci serve de leçon à ceux qui font fi de la Loi divine, vous savez que les pensées d'un condamné sont sacrées.
Demandez au Bon Dieu la grâce de pouvoir supporter ce qui vous frappe en ce moment.
J'ai tellement confiance en Sa Miséricorde, que c'est le sourire aux lèvres que j'appréhende le moment fatal. Vous ne pouvez pas montrer moins de courage que moi.
Que pourrais-je encore vous dire mes petits Parents chéris que j'emporte de vous des souvenirs ineffables, vous avez toujours veillé mon bien-être, et vous vous êtes prives pour me donner une bonne instruction, et surtout je vous remercie de m'avoir élevé dans la foi chrétienne, je regrette seulement de ne pas l'avoir toujours suivie, mais je vous l'ai déjà dit,j'ai confiance illimitée en la Miséricorde divine. Je voudrais pouvoir dire tant de choses mais mon esprit se refuse à les exprimer. Tout ce que je sais c'est que je vous aime de toutes mes dernières forces et ce que je demande c'est de prier, pour le repos de mon âme, prier pour ceux qui s'écartent de la religion.
Unissez vos prières Chère Maman et Cher Papa, afin qui Bon Dieu, me réserve une petite place parmi les élus.
Tout ce que je puis dire c'est que je meurs en bon belge, c'est la guerre, chers petits parents, il faut en subir les conséquences d'après la volonté du Bon Dieu.
Il est 11 heures 10, les heures filent avec rapidité, c'est incroyables comme elles sont courtes, et malgré cela le moral reste bon, vous pouvez vous vanter d'avoir un fils au cœur bien trempé.
Pour chez tante Léonie, la première chose qui importe c'est d'assurer ma petite cousine Germaine et Loulou, que je vais aller trouver notre cher et regretté Gaston, qu'elles soient assurées toutes deux que je vais lui porter leurs meilleures pensées et la façon dont elles savent se souvenir de leur cher disparu ; cher Oncle et chère Tante recevez aussi mes dernières pensées ; Oncle Alphonse continuez bien vous occuper du Secours d'Hiver car il procure quelque bien aux malheureux. La même chose pour Oncle Sylvain, tante Julie, mes chères petites cousines et Flore, une pensée aussi à Simone.
Prenez tous courage la guerre va bientôt finir sans doute. Parrain Louis, oncle Henri et tante Julienne, mes bon baisers. Oncle Jérôme, tante Élisabeth, chers Maurice. Jeanne, Marcel et le cher petit Jean. Une bonne pensée à Paquay Armand, Bleret Charles et tous mes amis de la Société Dramatique que je quitte à la fleur de âge mais résigné de mon sort, Marcel Forestier. Jean et sa famille adieu.
Quant la famille Riga, à mon vieux Ghislain. et Émile, qu'ils ne m'oublient pas dans leurs prières, car je prie moi-même pour que leur Cyrille revienne bientôt.
Je n'oublie pas non plus Damien et tous les membres de sa famille ainsi que les habitués de la maison, en un mot, je fais un effort pour n'oubliez personne de ceux que j'aime et qui m'ont aimé.
Remettez aussi un bonjour chez Monsieur Lejeune et la famille, chez Madame Cornélis. chez Laroke.
Pour ma montre, chers Parents je la lègue mon petit frère qu'il la porte surtout en souvenir de moi et qu'il vous chérisse tous deux comme vous le méritez et...pour nous deux.
Quant à ma petite sœur, j'espère que son ménage sera bientôt rétabli, dans le bonheur à trois : à eux aussi ainsi qu'à toute la famille, je leur transmets mes plus tendres baisers.
Dans mon petit paquet vous trouverez quelques photos que j'ai dédiées comme souvenir de celui qui vous aime maintenant plus que jamais.
Soyez surtout courageux, chers petits Parents, c'est aussi une de mes dernières volontés.
Il est minuit, le temps diminue, encore quelques heures et la vie éternelle commencera pour moi, tu vois petite Maman et petit Papa que je suis courageux ma main ne tremble même pas et pourtant c'est à vous que je pense, à la douleur effroyable qui va vous frapper, nous étions si heureux en famille, mais ne faisons pas sentiments, l'heure approche et rien n'y fera.
Que la Volonté de Dieu s'accomplisse. Soyez fiers de moi. petits Parents chéris je meurs innocent victime des événements.
Dans mon paquet il aussi une pipe. Cher Papa veux-tu me faire le plaisir de la garder et fumer si tu as du tabac, en mon souvenir ; Toi, petite Maman je te laisse mon chapelet et mon livre de messe, ce qui me reste faite en ce que vous voudrez.
Encore un million de bons baisers à tous, l'instant approche, soyez courageux, forts, demandez aide au Sacré-cœur de Jésus.
Mes heures se sont passées à cette place- Priez. Courage.
Encore 30 minutes moral reste bon.
Cyrille Jacquemin
Dernière lettre de Nicolas Doyen
Papa (Doyen Nicolas)
Dernière lettre de André Pirard
Le 3 avril 1944
Demain matin, je serai fusillé…
Mes chers parents, pardonnez-moi toutes les peines que je vous ai causées en y ajoutant celle-ci.
J'étais né pour être soldat, c'est donc en soldat que je meurs. Je suis fier de mourir pour mon pays auquel j'ai tout sacrifié., je ne le regrette pas.
Que mes amis ne s'accusent de rien et n'aient aucun regret ; contre la volonté de Dieu, personne ne peut rien…
Je ne veux pas que l'on dise ni même que l'on pense que je suis un bandit.
Mes chers parents, je vous charge de remercier en mon nom les personnes qui ont tenté l'impossible pour m'arracher à la mort.
Que Dieu les bénisse. Merci à toutes les gens de mon cher petit village pour toutes les marques de sympathie qu'ils vous ont données depuis la fatale nouvelle…
Je les en remercie de tout mon cœur.
Maintenant, je meurs avec la ferme conviction d'avoir bien rempli mon devoir.
La grandeur de la patrie est faite du sang de ses enfants. Vive la Belgique. Vive le Roi. Vive le 3e Régiment des Chasseurs Ardennais auquel je suis fier d'avoir appartenu.
Mes chers parents, pardonnez encore à votre cher grand gamin la dernière des peines qu'il vous aura causée.
Adieu mon cher papa, ma chère maman, ma sœur chérie et mon bien-aimé frère.
A toi de consoler ceux qui me sont si chers et que je te lègue.
Fais en sorte que toi au moins tu ne leur causes pas une peine aussi grande que moi : veille à ma chère petite femme.
Adieu, chers tous et bon courage. Bons baisers. Adieu !
Dernière lettre de Marcel Bawin
La citadelle, le 14 Juillet 1944
Chère femme et mes enfants,
Il est 23 heures.
On nous a prévenus que nous passions par les armes demain à 6 h 15.
Voilà ma petite femme, je te demande de souvent penser à moi et surtout de bien faire attention et de conduire nos enfants dans une vie heureuse.
Et souvent de parler de leur papa qui les aimait plus que la fortune et que ses deux yeux.
Ma petite femme, je te demande une chose, c'est de ne pas te remarier car j'aurais trop peur que tu tombes mal et, surtout, que les enfants soient malheureux. (...)
J'ai écrit une lettre à mes frères car nous ne pouvons écrire que trois lettres et bien au revoir à ton père et à tous les amis.
Marcel Bawin